Vous souhaitez vendre ou acquérir un bien immobilier. Le compromis de vente est signé. Le notaire effectue la déclaration d’intention d’aliéner. Quand patatras : la commune préempte le bien !
Vendeurs et acquéreurs évincés de la vente, ne restez surtout pas passifs : il existe des recours pour contester une décision de préemption [1].
1. Réagir dès que la commune demande des documents complémentaires ou la visite du bien :
Si la commune demande des documents complémentaires ou à visiter le bien objet de la vente, c’est qu’elle est intéressée par le bien et qu’a minima, elle se pose la question de le préempter.
Dès ce moment, vous pouvez consulter un avocat qui analysera la situation, vous informera sur le déroulement de la procédure de préemption et vous conseillera sur les éventuelles démarches à effectuer en amont de la décision de préemption.
Un simple rendez-vous peut suffire à ce stade.
Il s’agit pour vous d’avoir des réponses fiables à vos questions, de ne pas complètement subir la procédure de préemption et de réfléchir dès maintenant à comment préserver vos intérêts.
Il n’est cependant pas à exclure qu’à l’issu la commune renonce à exercer son droit de préemption.
2. La renonciation à la vente :
C’est une solution radicale mais redoutable : le propriétaire du bien préempté peut, sous certaines conditions, renoncer à la vente pour faire obstacle à l’exercice du droit de préemption.
C’est notamment le cas lorsque la commune exerce son droit de préemption en proposant un autre prix.
La renonciation est possible tant qu’un accord n’est pas trouvé sur le prix et pendant un délai de 2 mois après la décision juridictionnelle devenue définitive en cas de fixation judiciaire du prix [2].
Attention : le propriétaire du bien préempté ne peut pas renoncer à la vente déjà formée.
Ainsi, le vendeur ne peut pas renoncer à la vente quand :
- – La commune préempte au prix et aux conditions indiqués dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA).
- – La commune accepte la contre-offre effectuée par le vendeur.
- – Un accord sur le prix est trouvé dans le cadre d’éventuelles négociations entre le vendeur et la commune.
- – Le délai de 2 mois à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive est écoulé en cas de fixation judiciaire du prix.
Par ailleurs, le vendeur et l’acquéreur évincé devront également s’assurer du respect des clauses du compromis de vente ou de la promesse de vente.
3. La demande d’annulation de la décision de préemption :
La décision de préemption peut faire l’objet d’un recours administratif et d’un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent.
La décision de préemption illégale sera annulée par le tribunal administratif. Encore faut-il respecter les règles de procédure et soulever les bons arguments.
Qui peut contester la décision de préemption ?
Le vendeur a intérêt à agir contre la décision de préempter son bien, et ce, même quand la commune préempte au prix et aux conditions de la déclaration d’intention d’aliéner.
L’acquéreur évincé, titulaire d’un compromis de vente ou d’une promesse de vente, a également intérêt à agir contre la décision de préemption [3].
D’autres tiers intéressés peuvent également contester une décision de préemption : le locataire du bien préempté, une association (en fonction de son objet social) ou le contribuable local.
A défaut d’intérêt à agir suffisant, la demande d’annulation présentée devant le tribunal est irrecevable.
Dans quel délai peut-on contester la décision de préemption ?
Le vendeur dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de préemption pour former un recours.
Attention : dans certaines conditions, la notification de la décision de préemption au notaire peut valoir notification au vendeur.
L’acquéreur évincé dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de préemption pour former un recours s’il reçoit notification de la décision de préemption [4]. A défaut de notification, il dispose d’un délai de 2 mois à compter de sa publication.
Les autres tiers disposent d’un délai de 2 mois à compter de la publication de la décision de préemption pour former un recours.
Exceptionnellement, en cas de notification ou de publication irrégulière, ce délai peut être porté à 1 an à compter de la notification irrégulière ou de la date à laquelle il est établi que la personne intéressée en a eu connaissance.
Comment contester la décision de préemption ?
Dans le délai de 2 mois, il est possible de :
- – Exercer un recours administratif auprès de la commune
- – Exercer un recours auprès du tribunal administratif compétent
L’exercice d’un recours administratif aura pour effet de faire courir un nouveau délai de 2 mois pour saisir le tribunal administratif compétent à compter de la décision rejetant le recours administratif.
Attention : le silence gardé par la commune sur le recours administratif pendant 2 mois vaut décision de rejet implicite.
L’exercice des recours n’est pas suspensif. Autrement dit, la décision de préemption fait effet tant qu’elle n’a pas été annulée ou suspendue par une décision de justice.
En cas d’urgence [5] et de doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption, il est également possible d’exercer un référé-suspension en parallèle du recours contentieux exercé auprès du tribunal administratif compétent.
L’exercice d’un référé-suspension peut être vivement recommandé pour sauvegarder vos intérêts.
Comment obtenir l’annulation de la décision de préemption ?
L’annulation de la décision de préemption par le tribunal est conditionnée à la recevabilité de la demande d’annulation et à la démonstration de son illégalité en invoquant les bons arguments.
C’est pourquoi il est important de recourir à un avocat pour mener la procédure au risque de voir sa demande rejetée alors même que la décision de préemption était illégale.
Pourquoi demander l’annulation de la décision de préemption ?
Le but de la procédure est de pouvoir réaliser la vente librement entre le vendeur et l’acquéreur évincé.
Il y a-t-il un intérêt à attaquer une décision de préemption si elle est déjà attaquée par une autre personne ?
Vous êtes vendeur et vous savez que l’acquéreur évincé a déjà exercé un recours. A l’inverse, vous êtes acquéreur évincé et vous savez que le vendeur a déjà exercé un recours.
Dans une telle situation, avez-vous également intérêt à contester la décision ? Oui, oui et oui.
Si vous voulez obtenir l’annulation de la décision de préemption, vous devez impérativement exercer un recours administratif et / ou contentieux.
En effet, la personne qui saisit le tribunal administratif peut se désister à tout moment de la procédure avant qu’un jugement n’annule la décision de préemption, et ce, quand bien même la décision serait illégale.
Par ailleurs, l’exercice du recours administratif ne proroge le délai de recours que pour la personne qui a exercé le recours.
Il n’est jamais à exclure qu’une transaction intervienne entre la personne à l’initiative de la procédure et la commune. D’autant plus si la décision de préemption est illégale…
En cas de renonciation ou de désistement, si les délais de recours ont expiré, la décision de préemption ne pourra plus être contestée devant le tribunal administratif.
Et après ?
L’annulation de la décision de préemption a des conséquences multiples qui dépendent notamment du fait que le transfert de propriété a eu lieu ou non.
Par ailleurs, en cas de préjudice, l’illégalité de la décision de préemption engage la responsabilité de la commune à l’égard du vendeur et de l’acquéreur évincé. Tout préjudice résultant de manière directe et certaine de l’exercice d’un droit de préemption abusif peut faire l’objet d’une indemnisation.
4. La fixation judiciaire du prix :
En cas de désaccord sur le prix, peu importe que la décision de préemption soit contestée ou non, la commune doit saisir le juge de l’expropriation pour qu’il fixe le prix [6].
Dans le cadre de cette procédure, il appartient au vendeur de produire les éléments de comparaison justifiant le prix qu’il souhaite obtenir de la vente de son bien et de démontrer ainsi que le prix proposé par la commune est inférieur au prix du marché.
5. Est-ce que je dois prendre un avocat ?
Le contentieux de la préemption se caractérise par une atteinte forte au droit de propriété et par des enjeux financiers importants, notamment lorsqu’il existe une différence significative entre le prix indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner et le prix proposé par la commune au regard, le cas échéant, de l’avis des domaines [7].
L’avocat a pour rôle de défendre vos droits et vos intérêts en mettant en œuvre la meilleure stratégie possible pour contester la décision de préemption.
Devant le tribunal administratif, le recours à un avocat n’est pas obligatoire. Compte tenu de la complexité du droit et de l’importance du respect des règles procédurales, il reste très important de se faire accompagner par un avocat. Sauf à ce que vous ne teniez pas particulièrement à donner à vos recours une vraie chance de succès.
Devant le juge de l’expropriation, le recours à un avocat est obligatoire [8].
Je peux vous accompagner à chaque étape de la procédure pour :
- – Déterminer la stratégie la plus appropriée à mettre en œuvre dans votre situation
- – Analyser la légalité de la décision de préemption, mener la procédure de contestation de la décision de préemption, réunir les pièces pertinentes, rédiger les actes de procédure
- – Négocier le meilleur prix possible avec la commune ou devant le juge de l’expropriation, mener la procédure devant le juge de l’expropriation, réunir les pièces pertinentes, rédiger les actes de procédure
- – Convaincre le juge, administratif ou judiciaire, du bienfondé de vos demandes
- – Vous conseiller, vous informer et vous accompagner tout au long de la procédure
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez faire le point sur votre situation ou engager une action qui peut être amiable et / ou contentieuse si nécessaire. Un premier rendez-vous ne vous engage pas et vous permet d’obtenir un premier avis juridique sur votre situation et sur les éventuelles chances de succès d’une action.
Pour aller plus loin :
« Vente ou achat d’un bien immobilier : gare à la préemption ! », 22 mai 2025, Maëlle Meurdra
[1] Cet article traite du droit de préemption urbain (DPU). Le droit de préemption est encadré par les articles L. 210-1 et s., L. 211-1 et s., L. 213-1 et s., R. 211-1 et s. et R. 213-1 et s. du code de l’urbanisme.
[2] En cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de 2 mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation.
Attention : le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l’issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption.
[3] A défaut de compromis de vente ou de promesse de vente, il est bien plus difficile pour l’acquéreur évincé de démontrer l’existence d’un intérêt à agir suffisant.
[4] C’est notamment le cas lorsqu’il est mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner.
[5] Notamment, la décision de préemption ne doit pas avoir été entièrement exécutée. Tel est notamment le cas en cas de transfert de propriété et de paiement du prix.
[6] Le juge compétent pour fixer le prix en cas de préemption est le juge de l’expropriation. On parle de fixation judiciaire du prix. La procédure de la fixation judiciaire du prix est par ailleurs définie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cependant, la préemption n’est pas une expropriation.
[7] L’avis des domaines est exigé si le prix indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner excède 180.000 €.
[8] Article R. 311-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
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