24 juin 2025 - Maëlle Meurdra

Seul ou à plusieurs ? Association ou collectif ? Se regrouper pour agir contre un permis de construire : avantages et inconvénients

Lorsqu’on choisit de contester un permis de construire, on peut se poser la question d’agir seul ou à plusieurs (par exemple, sous la forme d’un collectif).

En général, le permis de construire sera défendu par la commune et le bénéficiaire du permis de construire qui peut être un particulier ou un promoteur immobilier.

Se retrouver seul face à la commune et au bénéficiaire du permis de construire, parfois chacun représenté par un avocat, peut être impressionnant voire décourageant.

Il est alors tentant de vouloir se regrouper pour défendre ses intérêts de manière collective.

Agir collectivement présente certes des avantages mais aussi des inconvénients. De plus, la forme du groupement doit être réfléchie au risque de perdre un éventuel procès mené devant un tribunal administratif.

1. Les avantages et inconvénients de contester seul un permis de construire :

Les avantages : plus simple, plus rapide, plus protecteur de ses intérêts, maîtrise de la procédure

Lorsqu’on agit seul (ou en famille le cas échéant) contre un permis de construire, on a une véritable maîtrise de la procédure.

Seule, la personne qui conteste le permis de construire est maître de la stratégie, du choix de son avocat et du budget.

La stratégie choisie est la plus pertinente pour défendre ses seuls intérêts (perte de vue, perte de valeur, nuisances, perte d’ensoleillement…).

De plus, la procédure est plus rapide à mettre en œuvre.

Il est par ailleurs plus facile de négocier avec la commune et / ou le bénéficiaire du permis de construire si tel est son objectif ou la meilleure stratégie à mettre en œuvre [1].

Les inconvénients : plus cher, moins de poids face à la commune et au porteur de projet, problème éventuel de l’intérêt à agir

Le coût de la procédure ne peut pas être partagé entre plusieurs personnes. De même, l’aléa judiciaire pèse sur une seule personne.

Par ailleurs, si quelqu’un souhaite contester un projet de construction pour lequel il ne présente pas d’intérêt à agir [2], l’éventuelle contestation devant le tribunal administratif est vouée à un rejet certain.

2. Les avantages et inconvénients de contester à plusieurs un permis de construire :

Les avantages : plus de poids face à la commune et au porteur de projet, moins coûteux

Plusieurs personnes peuvent se regrouper pour agir contre un permis de construire.

C’est l’exemple de plusieurs voisins qui vont agir ensemble contre un projet de construction nouvelle en choisissant, ou non, un avocat unique pour les représenter mais encore des collectifs ou associations qui agissent contre des projets de construction.

En se regroupant, les coûts de la procédure vont pouvoir être divisés entre plusieurs personnes (sauf à ce qu’elles choisissent chacune leur propre avocat).

L’union fait également la force face à la commune et / ou au bénéficiaire du permis.

Les inconvénients : difficulté à se mettre d’accord, risque de désolidarisation de certaines personnes, problème éventuel de l’intérêt à agir

A plusieurs, il est plus difficile de se mettre d’accord sur la stratégie à mettre en œuvre (par exemple : négocier ou aller jusqu’au bout coûte que coûte).

De même, agir à plusieurs peut être source de déconvenues : certaines personnes peuvent se désolidariser et abandonner en cours de procédure.

Il est aussi plus difficile de négocier avec la commune et / ou le bénéficiaire du permis de construire.

Par ailleurs, même à plusieurs, il faut justifier d’un intérêt à agir pour être recevable devant un tribunal à contester un permis de construire.

3. Association ? Collectif ? A plusieurs sans formaliser de groupement ?

A plusieurs sans formaliser de groupement ?

Il est tout à fait possible d’agir à plusieurs, sans le formaliser au travers d’un collectif ou d’un groupement.

Dans une telle situation, chacun reste maître du destin de la procédure et de la stratégie à mettre en œuvre. En cas de désaccord avec l’ensemble des autres personnes, il suffit de se désolidariser et de continuer d’agir pour son seul compte.

Chacun peut choisir son propre avocat pour voir ses intérêts défendus au mieux. Il est également possible de désigner un avocat commun pour diviser les coûts.

Pour une meilleure organisation ou à la recherche d’un intérêt à agir contre un permis de construire, il est également possible de former un collectif ou une association.

En créant ou en adhérant à un collectif ?

Les membres d’un collectif doivent avoir conscience de l’absence de reconnaissance juridique à l’égard d’un collectif [3].

Le collectif permet de s’unir, de s’organiser et de parler d’une seule voix contre un projet de construction.

Les frais de procédure peuvent être partagés entre les membres du collectif.

Mais, attention, le collectif constitue bien souvent un piège lorsque ses membres n’ont pas conscience des conséquences juridiques d’un tel choix.

Tant que le collectif ne prend pas la forme d’une association régulièrement déclarée en préfecture, il n’a aucune personnalité juridique et aucune capacité juridique.

Concrètement, il ne peut, seul, exercer de recours ou saisir un tribunal administratif.

Dans le meilleur des cas, le juge considèrera que le recours doit être regardé comme porté par chacun des membres du groupement pris individuellement [4]. Dans le pire, le recours sera irrecevable et rejeté.

En créant ou en adhérant à une association ?

Il est possible de créer une association, ou d’adhérer à une association, en vue de défendre une politique d’urbanisme. Dans ce cadre, une association peut agir contre un permis de construire.

Contrairement à un collectif, une association régulièrement déclarée en préfecture dispose d’une personnalité juridique et peut agir en justice.

Les frais de procédure sont supportés par l’association.

Attention, l’association doit respecter certaines conditions pour être recevable à contester un permis de construire :

  • – Capacité à agir en justice : seule la personne compétente pour représenter l’association en justice désignée par les statuts peut saisir le tribunal.
  • – Intérêt à agir : l’intérêt à agir d’une association s’apprécie au regard des statuts. L’objet social et le champ d’intervention géographique de l’association doivent être en rapport avec le permis de construire litigieux [5].
  • – Condition d’ancienneté : le code de l’urbanisme exige que les statuts d’une association aient été déposés en préfecture au moins 1 an avant l’affichage de la demande de permis de construire par le pétitionnaire [6].
  • A ce jour, la conventionnalité d’une telle exigence d’ancienneté n’a pas encore été tranchée [7].

 

A priori, il n’est donc pas possible de former une association pour contester un permis de construire particulier : la condition d’ancienneté d’un an avant l’affichage en mairie de la demande de permis de construire prévue par le code de l’urbanisme l’empêche.

Par ailleurs, l’association a une personnalité juridique et des intérêts propres. Si l’association décide de négocier ou d’arrêter la procédure, la procédure tombe.

En conclusion :

La contestation d’un permis de construire peut prendre plusieurs formes, se faire collectivement ou individuellement, voire les deux.

Votre choix doit être guidé par vos intérêts : quel est votre but ? Comment pouvez-vous ou souhaitez-vous y parvenir ? A quel point tenez-vous à la réalisation de votre but ?

Vous vous interrogez sur comment contester un permis de construire ? Vous avez déjà engagé une procédure sous la forme d’un collectif ou d’une association et en défense, la commune et / ou le bénéficiaire du permis de construire vous oppose l’irrecevabilité de votre requête ? Consultez un avocat !

Consulter un avocat ne vous engage pas et vous permet d’avoir un premier avis juridique sur votre situation.

Pour aller plus loin :


[1] Il n’est pas toujours certain d’obtenir l’annulation d’un permis de construire. La négociation peut être une meilleure stratégie pour obtenir une indemnisation et / ou des modifications clés du projet.

[2] Exemple : une personne souhaite empêcher la construction d’une maison qui entraînera une perte de vue sur mer mais dont il n’est pas le voisin immédiat.

[3] Sauf à ce qu’il constitue une association régulièrement déclarée en préfecture

[4] Cour administrative d’appel de Nantes, 18 avril 2023, Mme BK… V… et a. c. Sté Orange (déclaration préalable pour l’implantation d’une antenne-relais)

[5] Par exemple, une association qui défend une politique d’urbanisme sur une commune donnée ne pourra agir contre un permis de construire pour un projet situé sur une autre commune.

[6] Article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme

Autre exemple, une association ayant un champ d’intervention départemental ne pourra pas agir contre un permis de construire pour un projet situé sur une commune du département sauf à ce que le projet de construction autorisé ait des répercussions départementales.

[7] L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacre la liberté d’association qui ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. De même, l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre la liberté d’association.

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