Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) est un droit de préemption spécifique qui suit ses propres règles mais également des règles identiques au droit de préemption urbain.
I. Le recul du trait de côte :
Le recul du trait de côte peut être défini comme le déplacement vers l’intérieur des terres de la limite entre la mer et la terre. Il est la conséquence de l’élévation du niveau de la mer ainsi que de l’érosion du littoral.
Le recul du trait de côte met en péril les constructions situées en bord de mer.
A ce jour, 20% des côtes, appartenant à près de 500 communes, sont en recul. A l’horizon 2028, il est probable qu’un millier de bâtiments soient menacés par le recul du trait de côte [1].
Pour répondre à cet enjeu climatique, un outil foncier a été créé pour les communes impactées [2] : le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) [3].
II. Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) :
Le droit de préemption lié au recul du trait de côte permet aux communes concernées [4] d’acquérir des biens immobiliers menacés par le recul du trait de côte à un horizon compris entre 30 et 100 ans.
Lorsqu’un bien est soumis à un droit de préemption, le propriétaire du bien qui souhaite le vendre doit en proposer la vente en priorité au titulaire du droit de préemption qui peut alors l’acquérir à la place de l’acheteur initialement choisi par le propriétaire. On parle d’acquéreur évincé pour désigner l’acheteur qui est exclu de la vente.
III. Les communes et les zones concernées :
Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) est institué dans les communes menacées par le recul du trait de côte et figurant à ce titre sur la liste des communes impactées par le recul du trait de côte [5].
Il peut être exercé de plein droit dans toute la zone exposée au recul du trait de côte (ZERTC) à l’horizon de 30 ans.
Il peut encore être exercé si une délibération a été prise en ce sens par la collectivité compétente (la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale) dans toute ou partie de la zone exposée au recul du trait de côte (ZERTC) à un horizon compris entre 30 et 100 ans
Les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans ou à un horizon compris entre 30 et 100 ans sont délimitées par le plan local d’urbanisme (PLU) ou par le document en tenant lieu [6].
A l’intérieur d’une zone exposée au recul du trait de côte (ZERTC), le droit de préemption urbain (DPU) ne peut pas s’appliquer aux aliénations à titre onéreux.
Par ailleurs, le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) s’applique de manière subsidiaire par rapport au droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (DPENS) [7].
A ce jour, de nombreuses communes sont déjà concernées par le droit de préemption lié au recul du trait de côte notamment en Bretagne, en Normandie ou en Loire-Atlantique.
On peut citer : Lancieux (22), Lannion (22), Perros-Guirec (22), Saint-Brieuc (22), Trégastel (22), Yffiniac (22), Concarneau (29), Douarnenez (29), Locmaria-Plouzané (29), Morlaix (29), Plougasnou (29), Roscoff (29), Cancale (35), Dinard (35), Saint-Lunaire (35), Saint-Malo (35), Saint-Sulliac (35), Quiberon (56), Sarzeau (56), Asnelles (14), Bernières-sur-Mer (14), Colleville-sur-Mer (14), Courseulles-sur-Mer (14), Agon-Coutainville (50), Barfleur (50), Barneville-Carteret (50), Cherbourg-en-Cotentin (50), Granville (50), Réville (50), La Baule-Escoublac (44), Saint-Brevin-les-Pins (44), Saint-Nazaire (44)…
Cette liste n’est pas exhaustive [8]. Le nombre de communes concernées s’élève à ce jour à 317.
IV. Les opérations et les biens concernés :
Le droit de préemption lié au recul du trait de côte s’exerce généralement à l’occasion d’une vente immobilière mais d’autres opérations immobilières sont également visées par les textes [9].
V. La procédure de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) :
1. La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) :
La vente d’un bien immobilier soumis au droit de préemption lié au recul du trait de côte est subordonnée à l’envoi préalable d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par le propriétaire vendeur du bien immobilier à la commune où se situe le bien [10].
A défaut, la vente conclue peut être annulée.
Le vendeur doit également transmettre une copie de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) au directeur départemental ou régional des finances publiques.
La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) comporte un certain nombre d’informations obligatoires dont le prix de la vente projetée. Elle est généralement réalisée par le notaire en charge de la vente.
2. Le délai pour exercer le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) :
A compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), la commune dispose de 2 mois pour exercer son droit de préemption.
Dans ce délai, elle peut demander la communication de documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble.
Une telle demande de communication suspend le délai de 2 mois qui reprend à compter de la réception des documents demandés. Si le délai restant est inférieur à 1 mois, la commune a alors 1 mois pour exercer le droit de préemption.
La commune peut encore demander à visiter le bien. Les textes ne prévoient pas qu’une telle demande de visite suspende le délai dont dispose la commune pour préempter [10].
A l’issu du délai, le silence gardé par la commune vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. La renonciation est définitive.
La commune intéressée par votre bien peut également le préempter dans le délai.
3. La décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) :
La décision de préemption liée au recul du trait de côte est prise par la commune en vue de prévenir les conséquences du recul du trait de côte sur les biens situés dans les exposée au recul du trait de côte [7].
Lorsque la commune décide d’exercer son droit de préemption, elle peut décider d’acquérir le bien au prix et aux conditions indiqués dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Dans cette situation, le vendeur ne peut plus renoncer à la vente. La signature de l’acte de vente intervient dans un délai de 3 mois.
Lorsque la commune décide d’exercer son droit de préemption, elle peut aussi proposer un autre prix et indiquer qu’à défaut d’acceptation de l’offre, elle saisira le juge de l’expropriation pour fixer le prix du bien [12].
Dans cette situation, le vendeur a 2 mois à compter de la réception de l’offre de la commune pour :
- – Accepter l’offre de la commune
- – Ou maintenir son prix et accepter que le prix soit fixé par le juge de l’expropriation
- – Ou renoncer à la vente
En l’absence de réponse, le vendeur est réputé renoncer à la vente à l’issu du délai de 2 mois.
4. La fixation du prix par le juge de l’expropriation :
A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par le juge de l’expropriation, s’il est saisi, qui tiendra notamment compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte [12].
VI. Le sort des biens préemptés :
La commune assure la gestion des biens dont elle est devenue propriétaire par la voie de la préemption liée au recul du trait de côte au regard de l’évolution prévisible du trait de côte et procède à leur renaturation.
Avant renaturation, les biens préemptés peuvent faire l’objet, temporairement, d’une convention ou d’un bail pour occuper, exploiter, aménager, construire ou réhabiliter des installations, ouvrages ou bâtiments en tenant compte de l’évolution prévisible du trait de côte [13].
VII. Les recours des vendeurs et acheteurs évincés contre la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) :
Le propriétaire vendeur peut renoncer à la vente tant que la vente n’est pas formée entre lui et la commune.
Par ailleurs, le vendeur et l’acquéreur évincé ont la possibilité de faire un recours administratif auprès de la commune et / ou un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent contre la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.
Le propriétaire vendeur peut encore défendre la valeur de son bien devant le juge de l’expropriation compétent pour fixer le prix de la vente.
Au regard des enjeux financiers, le recours à un avocat est très recommandé pour se faire accompagner et représenter, que vous soyez le propriétaire vendeur ou l’acheteur évincé de la vente, afin de défendre vos droits et vos intérêts [14].
Devant le tribunal administratif, le recours à un avocat n’est cependant pas obligatoire. Pourtant, les chances de succès sont significativement réduites pour les personnes agissant seules compte tenu de la complexité du droit pour un novice et des règles de procédure à respecter.
Devant le juge de l’expropriation, le recours à un avocat est obligatoire [15].
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez faire le point sur votre situation ou engager une action qui peut être amiable et / ou contentieuse si nécessaire. Un premier rendez-vous ne vous engage pas et vous permet d’obtenir un premier avis juridique sur votre situation et sur les éventuelles chances de succès d’une action.
Ma mission sera de vous accompagner à chaque étape de la procédure pour :
- – Définir la stratégie la plus appropriée à votre situation
- – Analyser la légalité de la décision de préemption prise
- – Négocier le meilleur prix avec la commune ou devant le juge de l’expropriation
- – Bloquer ou ralentir la procédure de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte
- – Mener les procédures devant le tribunal administratif et / ou le juge de l’expropriation
- – Vous conseiller, vous informer et vous accompagner tout au long de la procédure
Pour aller plus loin :
« Vente ou achat d’un bien immobilier : gare à la préemption (DPU) ! », 22 mai 2025, Maëlle Meurdra
« Comment contester une décision de préemption (DPU) ? », 27 mai 2025, Maëlle Meurdra
[1] Les Synthèses : Les enjeux du recul du trait de côte d’ici à 2100, Cerema, Mai 2024
[2] Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience »
[3] Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte est régi par les articles L219-1 et suivants et R219-1 et suivants du code de l’urbanisme.
[4] Ou aux établissements publics de coopération intercommunale dont la commune est membre lorsqu’ils sont compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de carte communale (Article L219-1 du code de l’urbanisme)
[5] Article L219-1 du code de l’urbanisme ; Décret n°2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral
La liste a été mise à jour par décret n°2024-531 du 10 juin 2024 modifiant le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral
[6] Article L121-22-2 du code de l’urbanisme
[7] Article L219-1 du code de l’urbanisme
[8] La liste n’est pas exhaustive. D’autres régions sont par ailleurs concernées : la Corse, la Nouvelle-Aquitaine, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Guadeloupe, la Martinique…
[9] Articles L219-2 à L219-4 du code de l’urbanisme
Par exemple : la cession de droits indivis portant sur un immeuble (sauf lorsqu’elle est consentie à un coïndivisaire), la cession de la majorité des parts d’une société civile immobilière (SCI) dont le patrimoine est constitué par une unité foncière, bâtie ou non bâtie, dont la cession serait soumise au droit de préemption (sauf lorsque la SCI est constituée exclusivement entre certaines personnes de la même famille) …
[10] Article L219-6 du code de l’urbanisme
[12] Article L219-7 du code de l’urbanisme
[13] Article L219-11 du code de l’urbanisme
[14] « Préemption – Rejet d’une requête manifestement infondée : l’importance de recourir à un avocat ! », 3 juin 2025, Maëlle Meurdra
[15] Article R311-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
Crédit photographie : Image de Maëlle Meurdra (quelque part en Bretagne)