Vous étiez sur le point de conclure l’achat ou la vente d’un bien immobilier avec vue sur mer mais la commune préempte le bien en invoquant un droit de préemption lié au recul du trait de côte ? Il existe des recours.
Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) est un droit de préemption spécifique qui a été créé pour répondre à la menace que constitue le recul du trait de côte pour les constructions déjà édifiées sur le littoral.
I. La contestation de la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte :
La décision de préemption liée au recul du trait de côte [1] peut faire l’objet d’un recours administratif et / ou d’un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent.
Qui peut contester la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) ?
Le vendeur propriétaire du bien immobilier préempté et l’acheteur évincé de la vente (on parle d’acquéreur évincé) peuvent contester la décision de préemption liée au recul du trait de côte [2].
D’autres tiers intéressés peuvent également contester une décision de préemption : le locataire du bien préempté, une association (en fonction de son objet social), le contribuable local…
A défaut d’intérêt à agir suffisant contre la décision de préemption, la demande d’annulation présentée au tribunal administratif est irrecevable.
Dans quel délai peut-on contester la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) ?
Le vendeur peut contester la décision de préemption dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.
Attention : dans certaines conditions, la notification de la décision de préemption au notaire vaut notification au vendeur.
L’acquéreur évincé peut également contester la décision de préemption à compter de sa notification, s’il reçoit notification de la décision de préemption [3]. A défaut de notification, il dispose d’un délai de 2 mois à compter de la publication de la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC).
Les autres tiers disposent également d’un délai de 2 mois à compter de la publication de la décision de préemption pour exercer un recours.
Exceptionnellement, en cas de notification ou de publication irrégulière, ce délai peut être porté à 1 an à compter de la notification irrégulière ou de la date à laquelle il est établi que la personne intéressée a eu connaissance de la décision de préemption liée au recul du trait de côte.
Comment contester la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) ?
Pour contester la décision de préemption liée au recul du trait de côte, il est possible d’exercer un recours administratif auprès de la commune (ou de l’établissement de coopération intercommunale) qui a pris la décision de préemption litigieuse.
Il est également possible d’exercer un recours contentieux auprès du tribunal administratif compétent soit directement, soit après la naissance d’une décision de rejet sur le recours administratif préalable exercé.
L’exercice d’un recours administratif a pour effet de faire courir un nouveau délai de 2 mois pour saisir le tribunal administratif compétent à compter de la décision de rejet du recours administratif [4].
A savoir :
L’exercice d’un recours n’est pas suspensif. Autrement dit, la décision de préemption fait effet tant qu’elle n’a pas été annulée ou suspendue par une décision de justice.
En cas d’urgence [5] et de doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption, il est recommandé d’exercer un référé-suspension en parallèle du recours contentieux auprès du tribunal administratif compétent.
Comment obtenir l’annulation de la décision de préemption ?
S’il est régulièrement saisi, le tribunal annulera la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) illégale.
Afin de respecter les règles de procédure et de soulever les arguments pertinents, il est important de recourir à un avocat au risque de voir sa demande rejetée alors même que la décision de préemption était illégale.
Pourquoi demander l’annulation de la décision de préemption ?
Le but de la procédure est de pouvoir librement réaliser la vente entre le vendeur et l’acquéreur évincé et de ne pas subir une dépréciation importante du bien lorsque la commune n’a pas préempté le bien au prix et a saisi le juge de l’expropriation pour fixer le prix.
Existe-t-il un intérêt à contester une décision de préemption si elle est déjà contestée par une autre personne ?
Vous êtes vendeur et vous savez que l’acquéreur évincé a déjà exercé un recours. A l’inverse, vous êtes acquéreur évincé et vous savez que le vendeur a déjà exercé un recours.
Dans une telle situation, vous avez également tout intérêt à contester la décision ! Si vous voulez obtenir l’annulation de la décision de préemption litigieuse, vous devez impérativement exercer un recours administratif et / ou contentieux.
En effet, la personne qui saisit le tribunal administratif peut se désister à tout moment de la procédure et avant qu’un jugement n’annule la décision de préemption, et ce, quand bien même la décision serait illégale.
Par ailleurs, l’exercice du recours administratif ne proroge le délai de recours que pour la personne qui a exercé le recours.
Il n’est jamais à exclure qu’une transaction intervienne entre la personne à l’initiative de la procédure (vendeur ou acquéreur évincé) et la commune. D’autant plus si la décision de préemption est illégale…
En cas de renonciation ou de désistement, si les délais de recours ont expiré, la décision de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) ne pourra plus être contestée devant le tribunal administratif.
Et après ?
L’annulation de la décision de préemption liée au recul du trait de côte emporte des conséquences qui dépendent notamment de ce que le transfert de propriété a eu lieu ou non.
En cas de préjudice, la décision de préemption illégale engage la responsabilité de la commune à l’égard du vendeur et de l’acquéreur évincé. Tout préjudice résultant de manière directe et certaine de l’exercice d’un droit de préemption abusif peut alors faire l’objet d’une indemnisation.
II. La fixation judiciaire du prix :
En cas de désaccord sur le prix, peu importe que la décision de préemption liée au recul du trait de côte ait été contestée ou non, la commune doit saisir le juge de l’expropriation pour fixer le prix du bien immobilier préempté [6].
Dans le cadre de cette procédure, il appartient au vendeur de produire les éléments de comparaison justifiant le prix qu’il souhaite obtenir de la vente de son bien et de démontrer ainsi que le prix proposé par la commune est inférieur au prix du marché.
III. Les autres leviers pour faire obstacle à l’exercice du droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC) :
1. Anticiper dès que la commune demande des documents complémentaires ou la visite du bien :
Lorsque la commune demande des documents complémentaires ou à visiter un bien immobilier à la suite de la déclaration d’intention d’aliéner, c’est qu’elle est intéressée par le bien et qu’a minima, elle se pose sérieusement la question d’exercer son droit de préemption.
Même s’il n’est pas à exclure qu’à l’issu la commune renonce à exercer son droit de préemption, vous pouvez déjà commencer à réfléchir à la meilleure manière de préserver vos intérêts.
Dès ce stade, vous pouvez consulter un avocat qui aura pour rôle de : analyser la situation, vous informer sur la procédure de préemption et vous conseiller sur les éventuelles démarches à effectuer [7].
Il est important d’avoir des réponses fiables à vos interrogations et de ne pas subir la procédure de préemption.
2. Renoncer à la vente :
C’est une solution aussi radicale que redoutable : le propriétaire du bien préempté peut, sous certaines conditions, renoncer à la vente pour faire obstacle à l’exercice du droit de préemption lorsque la commune exerce son droit de préemption en proposant un autre prix.
La renonciation est en principe possible tant qu’un accord n’est pas trouvé sur le prix [8] et pendant un délai de 2 mois après la décision juridictionnelle devenue définitive en cas de fixation judiciaire du prix [8].
Une fois la vente formée, aucune renonciation n’est possible quand bien même l’acte notarié n’a pas encore été signé. Ainsi, le vendeur ne peut plus renoncer à la vente quand :
- – La commune a préempté au prix et aux conditions indiqués dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA).
- – La commune a accepté la contre-offre effectuée par le vendeur.
- – Un accord sur le prix a été trouvé dans le cadre d’éventuelles négociations entre le vendeur et la commune.
- – Le délai de 2 mois à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive est écoulé en cas de fixation judiciaire du prix.
Attention :
Si la commune exerce son droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPTRC), c’est en principe parce que le bien immobilier préempté se situe dans une zone exposée au recul du trait de côte (ZERTC) à l’horizon de 30 ans ou à un horizon compris entre 30 et 100 ans… Se pose alors la question de l’intérêt de conserver ou d’acquérir un bien immobilier menacé par le recul du trait de côte et la prise de risque engendrée pour le vendeur ou l’acquéreur évincé souhaitant faire obstacle à la préemption.
IV. Recourir à un avocat ?
Le contentieux de la préemption se caractérise par des enjeux financiers importants, notamment lorsqu’il existe une différence significative entre le prix indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner et le prix proposé par la commune.
L’avocat a pour rôle de défendre vos droits et vos intérêts en mettant en œuvre la meilleure stratégie possible.
Devant le tribunal administratif, le recours à un avocat n’est pas obligatoire. Au regard de la complexité du droit, il reste très important de se faire représenter par un avocat (sauf à ce que vous ne teniez pas particulièrement à donner à vos recours une vraie chance de succès…) [10].
Devant le juge de l’expropriation, le recours à un avocat est obligatoire [11].
Je peux vous accompagner à chaque étape de la procédure pour :
- – Définir la stratégie à mettre en œuvre
- – Analyser la décision de préemption, mener la procédure devant le tribunal administratif ou devant le juge de l’expropriation, réunir les pièces pertinentes, rédiger les actes de procédure
- – Négocier le meilleur prix possible avec la commune ou devant le juge de l’expropriation
- – Vous conseiller, vous accompagner et vous défendre tout au long de la procédure
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez faire le point sur votre situation ou engager une action qui peut être amiable et / ou contentieuse si nécessaire. Un premier rendez-vous ne vous engage pas et vous permet d’obtenir un premier avis juridique sur votre situation et sur les éventuelles chances de succès d’une action.
Pour aller plus loin :
« Droit de préemption lié au recul du trait de côte : comment ça marche ? », 04 septembre 2025, Maëlle Meurdra
« Préemption – Rejet d’une requête manifestement infondée : l’importance de recourir à un avocat ! », 3 juin 2025, Maëlle Meurdra
[1] Le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte est encadré par les articles L219-1 et suivants et R219-1 et suivants du code de l’urbanisme.
[2] L’acquéreur doit démontrer son intérêt à agir contre la décision de préemption. A défaut de compromis de vente ou de promesse de vente, il est bien plus difficile pour l’acquéreur évincé de démontrer l’existence d’un intérêt à agir suffisant.
[3] C’est notamment le cas lorsqu’il est mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner.
[4] Attention : le silence gardé par la commune sur le recours administratif pendant 2 mois vaut décision de rejet implicite.
[5] Notamment, la décision de préemption ne doit pas avoir été entièrement exécutée. Tel est notamment le cas en cas de transfert de propriété et de paiement du prix.
[6] Le juge compétent pour fixer le prix en cas de préemption est le juge de l’expropriation. On parle de fixation judiciaire du prix. La procédure de la fixation judiciaire du prix est par ailleurs définie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cependant, la préemption n’est pas une expropriation.
[7] Un simple rendez-vous peut suffire à ce stade.
[8] S’ils souhaitent renoncer à la vente, le vendeur et l’acquéreur évincé devront s’assurer du respect des clauses du compromis de vente ou de la promesse de vente.
[9] En cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de 2 mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation.
Attention : le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l’issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption.
[10] « Préemption – Rejet d’une requête manifestement infondée : l’importance de recourir à un avocat ! », 3 juin 2025, Maëlle Meurdra
[11] Article R311-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
Crédit photographie : Image de Maëlle Meurdra (quelque part en Bretagne)