Depuis 2022, les parents ont l’obligation de faire inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement public ou privé [1].
Par dérogation, ils peuvent être autorisés à donner l’instruction en famille (IEF) par le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale (DASEN) compétent.
Voir : « Instruction en famille : quelles sont les règles à connaître ? », Maëlle Meurdra, 15 septembre 2022
Pour l’année scolaire 2025-2026, les familles doivent présenter leur demande avant le 31 mai inclus [2].
Une telle autorisation n’est accordée que dans l’intérêt supérieur de l’enfant et que pour des motifs strictement définis et limités [3] :
- 1° L’état de santé de l’enfant ou sa situation de handicap ;
- 2° La pratique d’une activité sportive ou artistique intensive ;
- 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
- 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.
Ces dernières années, les juges administratifs ont eu l’occasion de préciser les règles.
1° Le motif lié à l’état de santé de l’enfant ou sa situation d’handicap :
L’autorisation d’instruire son enfant en famille est délivrée lorsque qu’il est établi que l’état de santé d’un enfant rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ou lorsque l’instruction en famille est, en raison de son état de santé, la plus conforme à son intérêt [4].
Un certificat médical attestant de la pathologie de l’enfant ou de son handicap doit alors être joint à la demande d’autorisation [3].
Exemple de décisions de justice :
– CAA Douai, 12 mars 2025, Mme A : lorsque la demande d’autorisation d’instruction en famille n’est pas présentée sur le fondement de l’état de santé ou du handicap d’un enfant (1° de l’article L131-5 du code de l’éducation) mais sur le fondement d’une situation propre à l’enfant (4° de l’article L131-5 du code de l’éducation), il ne pourra pas être reproché à l’administration de ne pas avoir pris en compte l’état de santé ou le handicap de l’enfant en cas de refus d’autorisation. Attention à ne pas se tromper de motif !
2° Le motif lié à la pratique d’une activité sportive ou artistique intensive :
Lorsque la demande d’autorisation est motivée par la pratique intensive d’activités sportives ou artistiques, elle doit comprendre une attestation d’inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique ainsi qu’une présentation de l’organisation du temps de l’enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu’il ne peut fréquenter assidûment un établissement d’enseignement public ou privé [3].
Les parents doivent démontrer la réalité et l’intensité de la pratique sportive ou artistique de l’enfant, pour l’année scolaire en cours et, autant que possible, pour l’année scolaire à venir.
Exemples de décisions de justice :
– TA Dijon, 20 décembre 2024, M. et Mme A : une enfant de 4 ans justifiant d’une activité artistique représentant un volume horaire de 6 à 7 heures par semaine n’est pas considérée comme pratiquant de manière intensive une activité artistique. Pour le juge, une telle pratique est compatible avec une scolarisation dans un établissement scolaire. La décision par laquelle le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) a refusé de délivrer l’autorisation d’instruire en famille est validée.
– TA Rennes, 5 août 2024, M. et Mme E : l’administration ne peut exiger que l’enfant soit reconnu comme sportif de haut niveau ou qu’il soit inscrit dans une structure liée à une fédération française de sport.
– TA Rennes, 5 août 2024, M. et Mme E : un enfant en classe de 3ème, pratiquant le football et aspirant à devenir joueur professionnel, justifiant de 3 entraînements collectifs par semaine, de 2 entraînements individuels par semaine, de séances individuelles quotidiennes d’une durée de 30 minutes à 3 heures selon un programme individuel d’entraînement précis, d’un stage par mois d’une durée de 2 à 7 jours et de déplacements au sein de clubs professionnels en France et à l’étranger afin d’y être recruté est considéré comme pratiquant de manière intensive une activité sportive. Pour le juge, une telle pratique de haut niveau empêche la fréquentation assidue d’une classe de 3ème au sein d’un établissement d’enseignement public ou privé.
3° Le motif lié à l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public :
Lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’itinérance de la famille en France, les parents doivent prouver que les déplacements et voyages rendent impossible la fréquentation assidue d’un établissement d’enseignement public ou privé [3].
Exemples de décisions de justice :
– TA Dijon, 13 décembre 2024, Mme C : la production d’un relevé Kbis mentionnant une activité de commerce ambulant ne suffit pas à établir une itinérance de la famille rendant impossible pour l’enfant de fréquenter un établissement scolaire, quand bien même cela conduirait à des changements d’établissements en cours d’année.
– TA Lyon, 7 octobre 2024, Mme C B et M. C : lorsque les parents font état de déplacements réguliers en France et à l’étranger, ils doivent établir l’impossibilité pour leur enfant de fréquenter un établissement d’enseignement lorsque la famille se trouve en France.
Lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, la demande comprend toute pièce utile prouvant l’éloignement [3].
4° Le motif lié à l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif (aussi appelé « motif 4 ») :
Lorsque l’administration est saisie d’une demande d’autorisation d’instruction en famille en raison de l’existence d’une situation propre à l’enfant, elle doit [5] :
- 1. D’abord, rechercher quels sont les avantages et inconvénients pour cet enfant d’une instruction dans un établissement scolaire.
- 2. Puis, rechercher quels sont les avantages et inconvénients pour cet enfant d’une instruction dans la famille.
- 3. Enfin, retenir la forme d’instruction la plus conforme à l’intérêt de l’enfant dans sa situation.
Exemples de décisions de justice :
– CAA Versailles, 12 février 2025, M. E : la situation de l’enfant qui voyage régulièrement entre la France et l’étranger en raison du travail de ses parents, qui est bilingue et qui présente un profil intellectuel atypique mettant en évidence un haut potentiel intellectuel nécessitant une pédagogie adaptée et individualisée caractérise une situation propre justifiant que l’instruction en famille soit autorisée. Dans cette affaire, le juge d’appel a annulé la décision de la DASEN qui refusait d’autoriser l’instruction en famille.
– CAA Toulouse, 25 juin 2024, M. et Mme D… : l’énergie débordante et la créativité d’un enfant de 3 ans relèvent de considérations générales et fréquentes chez des enfants de cet âge et ne caractérise pas une situation propre à l’enfant de nature à justifier une dérogation au principe de l’instruction dans un établissement d’enseignement.
Par conséquent, dans la demande d’autorisation, les parents doivent décrire et établir de manière détaillée la situation propre à leur enfant, motivant, dans son intérêt, le projet d’instruction dans la famille.
C’est pourquoi, ils doivent produire une présentation écrite d’un projet éducatif comportant les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de leur enfant et justifier de la capacité des personnes chargées de l’instruction de l’enfant à lui permettre d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini par le code de l’éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire [5].
Exemples de décisions de justice :
– CAA Nantes, 9 juin 2023, M. B. : s’agissant de la présentation écrite d’un projet éducatif, la production d’une plaquette d’un cours privé d’enseignement à distance ne suffit pas.
– CAA Douai, 12 mars 2025, Mme B A : de même, la seule inscription de l’enfant au centre national d’enseignement à distance (CNED) est insuffisante pour justifier d’un projet éducatif.
Les recours :
La décision de refus d’autorisation peut être annulée si elle est illégale.
Elle doit d’abord et impérativement être contestée par l’exercice d’un recours administratif préalable obligatoire dans un délai de 15 jours à compter de sa notification devant une commission présidée par le recteur d’académie.
Ensuite, la décision peut être contestée devant le tribunal administratif compétent dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de la commission [3].
Enfin, en cas d’urgence, il est également possible de saisir le juge des référés pour tenter d’obtenir la suspension de la décision dans l’attente que le tribunal administratif statue au fond de l’affaire.
Dans le cadre d’un litige en lien avec l’instruction en famille d’un enfant, l’assistance d’un avocat peut s’avérer nécessaire aux différents stades :
- 1. Lors du dépôt de la demande d’autorisation afin de s’assurer du caractère suffisant des pièces jointes au dossier
- 2. Lors de la contestation de la décision de refus afin d’établir la meilleure stratégie à mettre en œuvre, de garantir le respect de la procédure et de veiller à la sauvegarde et à la défense des intérêts en présence, notamment des intérêts de l’enfant concerné.
Je vous conseille, vous assiste et vous représente dans ce type de contentieux.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez faire le point sur votre situation et/ou engager une action.
Pour aller plus loin :
Voir « Instruction en famille – Comment contester la décision de refus d’autorisation ? », 14 mai 2025, Maëlle Meurdra
Voir « Instruction en famille – Les derniers jugements du tribunal administratif de Rennes« , 6 mai 2025, Maëlle Meurdra
[1] Loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi séparatisme »
[2] https://www.ac-rennes.fr/instruction-en-famille
[3] Articles L. 131-1 et s., notamment l’article L. 131-5, et R131-11 et s. du code de l’éducation
[4] Conseil d’Etat, 13 décembre 2022, Mme B… C…, n°466623
[5] CE, 13 décembre 2022, M. I… B…, n°462274
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